[Chronique écrite le 31.01.2024, pour Cybercoachs et Le Nouvelliste] Concernant la motion déposée au parlement par M. Podggia, « Lutter contre les propos haineux sur internet. L’argent public ne doit pas soutenir l’anonymat des commentaires », bien que l’intention soit louable, les moyens et actions proposés pour y arriver trouvent vite leurs limites.
Forcer les gens à commenter sous une identité réelle aboutirait immanquablement à une forme d’autocensure. Et, suivant la nature des commentaires, ça peut aussi représenter un risque en cas de voyage dans un pays autoritaire. De plus en plus de pays surveillent les réseaux sociaux et les résultats fournis par Google, et certains se basent sur la liste des passagers pour le faire. Même si le risque est faible, il ne doit pas être négligé pour autant. Le pseudoanonymat permet de gérer ces problèmes. Il permet de protéger le nécessaire anonymat de la personne qui commente tout en étant à même de révéler son identité réelle en cas d’infraction pénale.
Aujourd’hui il est possible pour tout un chacun de créer une identité électronique vérifiée en utilisant les solutions à disposition pour créer un dossier électronique du patient ou d’effectuer certaines démarches administratives auprès de son canton (Swiss ID, Trust ID, Vaud ID, Genève ID). Il suffirait alors que les plateformes demandent aux personnes désirant commenter leurs publications de se connecter au moyen de ce type identité tout en leur permettant d’utiliser un pseudo.
Dès 2026, le projet e-ID, l’identité électronique développée par la confédération, devrait aussi avoir le potentiel d’apporter une solution pérenne au problème d’anonymat en ligne : e-ID, est une identité autosouveraine (SSI), respectivement une « identité numérique décentralisée ». Cette identité électronique permettrait aux utilisateurs-trice de gérer les différents éléments constitutifs de leur identité. Avec la possibilité de générer des jetons numériques qui prouvent uniquement ce qui est nécessaire, sans pour autant révéler l’entier de son identité. Par exemple, pour poster un commentaire sur un média en ligne, il est possible de prouver que l’on existe légalement sans pour autant divulguer son identité, y compris envers le média concerné. Cela préserve la liberté d’expression tout en rendant les utilisateurs responsables de leurs actions en ligne. En cas d’infraction, seules les autorités judiciaires auraient la capacité de lever cet anonymat et d’accéder à l’identité réelle de la personne concernée.
Pour ceux ou celles qui auraient peur d’un état trop intrusif, il est important de garder à l’esprit que dans le monde physique on doit être en mesure de prouver son identité et que l’identité de chaque citoyen.ne est connue par l’état, quoi qu’il en soit.
Néanmoins, la technologie ne règle pas tous les problèmes et les médias sont tributaires du bon fonctionnement de la justice. ll est donc important de fluidifier les processus légaux. C’est-à-dire, non seulement par un traitement rapide par la justice des infractions, mais aussi en offrant la possibilité pour les médias de déposer plainte en ligne.
Ce dispositif doit reposer sur un système axé sur la prévention. Il faut sensibiliser et responsabiliser, dès le scolaire, à la réalité et l’impact de nos propos dans l’espace numérique, qui est aussi un espace de société et de citoyenneté. La citoyenneté numérique le définit clairement avec comme élément central, le respect d’autrui. Pour les récidivistes, des cours de sensibilisation à la citoyenneté numérique devraient être mis en place.
Stéphane Koch