[Chronique écrite le 29.03.2024, pour Cybercoachs et Le Nouvelliste]
Suite au meurtre d’un adolescent par deux adolescent.e.s en Angleterre, des politiciens ont appelés à l’interdiction de l’accès au « Darknet ». La raison invoquée était que les assassins se seraient inspirés de vidéos de meurtres hébergées sur ce réseau, dans ce que l’on appelle des « Red room ». Jusque là, ça semble cohérent, mais comme à l’habitude le diable se cache dans les détails, et parfois aussi dans les recoins de ce réseau à l’apparence obscure on ne peut le nier. Mais qu’en est-il vraiment de sa capacité à formater le cerveau de nos ados ?
Pour commencer, le Darknet ou darkweb n’existe pas en tant que tel. Il s’agit d’un terme médiatique visant à qualifier une utilisation illicite du réseau TOR (The Onion Router), et bien que des actes violents et illégaux aient été rapportés sur ce réseau, aucune preuve concrète d’existence de Red rooms n’a été apportée jusqu’à ce jour. Les spécialistes s’accordent plutôt sur le fait que ces « chambres rouges » sont avant tout des mythes. De plus, il n’y a pas besoin d’aller sur TOR/le Darknet pour trouver des scènes hyperréalistes de violence, il suffit d’allumer la télé ou de se connecter à son service de streaming. C’est peut-être par là qu‘il faudrait commencer pour évaluer notre rapport à la violence à travers le traitement cinématographique que l’on en fait et son impact dans notre société.
Les termes « Darknet » et « Darkweb » peuvent être trompeurs et perpétuer des idées fausses sur la nature réelle du réseau TOR. Tor est un réseau informatique mondial décentralisé qui permet une navigation anonyme et privée sur Internet. Il achemine le trafic des utilisateurs à travers un vaste réseau de relais chiffrés, masquant ainsi leur identité et leur localisation réelles. Tor a été initialement conçu à des fins légitimes, telles que la protection de la vie privée, la liberté d’expression et le contournement de la censure. En plus de Tor, il existe d’autres réseaux décentralisés et anonymes similaires (I2P, Freenet, ZeroNet). Il n’y a rien d’illégal à utiliser TOR, du moins du moment que l’on respecte le cadre légal.
Tor héberge de nombreux sites web et services légitimes, tels que :
- Des sites d’information et de journalisme indépendants
- Des forums de discussion sur des sujets sensibles (politique, droits de l’homme, etc.)
- Des plateformes de communication sécurisées pour les lanceurs d’alerte et les activistes
- Des services de messagerie chiffrée et des outils de protection de la vie privée
Donc, interdire TOR, ne répond non seulement pas au nécessaire traitement de la question de la violence au sein de notre société, mais cela risque aussi d’affecter les libertés et la sécurité de personnes qui ont un besoin légitime de pouvoir bénéficier d’un certain anonymat. Comme pour les autres technologies, l’éducation, y compris celle des politiques, est la solution à privilégier.
Stéphane Koch