autres

Einstein, Si vous voulez que vos enfants soient intelligents, a-t-il dit, lisez-leur des contes de fées
Neil Gaiman, 2013

On pourrait voir dans cette publication une forme « d’abstraction sélective« , du moins si l’intention est de mettre en avant la valeur du support, par rapport à celle du contenu. Ce que l’auteur, Neil Gaiman, ne nie pas en revendiquant explicitement la partialité de son propos. À, je cite cet extrait: « Je suis de parti pris, de façon évidente et gigantesque: je suis auteur, souvent auteur de fiction. J’écris pour les enfants et les adultes. (…) Donc, en tant qu’auteur, je suis partial. Mais je suis beaucoup plus partial en tant que lecteur » (N. Gaiman, lien avec le texte intégral/ PDF).

Lire peut en effet être considéré comme un moyen essentiel d’accès à la connaissance ou de support au développement de l’imagination, du moins comme l’un des moyens s’il l’on veut réduire le biais… Et, en ce qui concerne la citation d’Einstein choisie par Neil Gaiman pour valider son point de vue, l’élément central mis en exergue par Einstein n’est pas tant « le fait de lire », mais plutôt un engagement à cultiver son imagination:

« In Denver I heard a story about a woman who was friendly with the late Dr. Einstein, surely acknowledged as an outstanding ‘pure’ scientist. She wanted her child to become a scientist, too, and asked Dr. Einstein for his suggestions for the kind of reading the child might do in his school years to prepare him for this career. To her surprise Dr. Einstein recommended ‘fairy tales and more fairy tales.’ The mother protested this frivolity and asked for a serious answer, but Dr. Einstein persisted, adding that creative imagination is the essential element in the intellectual equipment of the true scientist, and that fairy tales are the childhood stimulus of this quality!  » (article de contextualisation de cette citation, c’est passionnant !).

Dès lors la référence à la « lecture » dans la réponse d’Einstein concerne le médium/support cité dans la question que cette femme lui a posée « asked Dr. Einstein for his suggestions for the kind of reading« . Il ne s’agit don pas de la promotion du fait de lire, ou du livre. Le livre, ou le fait de lire, est dans le contexte de cette citation juste le support qui permet d’accéder à la matière utile au développement de son imagination: les « contes de fée ». Donc, Einstein incite plus à cultiver son imagination, qu’à lire. Les récits fictifs étant un (des) bon moyen pour y parvenir. A cet effet, rien ne permet d’affirmer qu’Einstein fait la promotion du récit écrit par rapport au récit oral, comme l’interprète Neil Gaiman dans sa conférence.

Il faut aussi prendre en compte que la citation d’Einstein date de 1958, donc d’avant l’invention d’Internet, et respectivement des décennies avant celle du Web. Il serait donc inadéquat, par exemple, d’utiliser cette citation pour mettre en opposition le livre, les bibliothèques, avec le numérique, comme le fait en partie Neil Gaiman, d’ailleurs.

Cette opposition de confort, que l’on pourrait interpréter comme une représentation du « biais de statu quo », ou « bias zéro risque », n’est pas nouvelle, ni même en rapport avec la technologie ou la transformation numérique, elle inhérente à la difficulté de certains à accepter les changements de notre société. Ce podcast de France Inter « Sommes-nous vraiment en train de fabriquer des “crétins digitaux ? – que je vous recommande vivement – consacré à la place des écrans dans les usages du numérique mentionne deux exemples représentatifs de cette difficulté à accepter le changement. Je cite: « Les parents d’Honoré de Balzac étaient inquiets que leur fils ne s’abrutisse en lisant trop de romans (à 44.20). L’écrivaine Susie Morgenstern dit: « ma mère ne voulait pas que je lise, elle considérait que c’était une perte de temps » (à 46′).

Dans les faits, le livre n’est que l’un des outils de formalisation et d’accès à la connaissance. Il représente une partie du passé et du présent, et il fait partie du futur. Mais attention à ne pas « résumer » la connaissance, ou la manière de la transmettre, à l’écrit:

Je cite: « Alors qu’aujourd’hui, dans les pays dits développés, l’écrit prédomine, c’est par l’oralité que l’essentiel de la transmission de l’ensemble des connaissances et des savoir-faire techniques s’est opéré dans l’histoire de l’humanité (…) » [Source: Wikipédia, Transmission de la connaissance]

Aujourd’hui, l’audio et la vidéo permettent tout autant de formaliser et de transmettre la connaissance ou de développer l’imagination. Tout comme les jeux vidéo, la réalité virtuelle, ou encore le cinéma, sont tout aussi propices à nous permettre de cultiver et développer l’imaginaire. Les mots, les images, les sons, les odeurs dialoguent avec notre cerveau. Et ceci, quel que soit leur support de transmission.

Nous n’utilisons pas toutes et tous nos fonctions cognitives de la même manière

Les fonctions cognitives (les capacités de notre cerveau qui nous permettent notamment de communiquer, de percevoir notre environnement, de nous concentrer, de nous souvenir d’un événement ou d’accumuler des connaissances), qui nous permettent, entre autres, de développer notre imagination, ou plus globalement de nous développer au sens propre, ne reposent pas uniquement – et tant s’en faut – sur l’écrit. De même que la manière dont ces fonctions cognitives s’expriment chez chacun peut passablement différer.

Dés lors, arrêtons d’opposer les différentes formes de supports et méthodes de transmission de la connaissance, et battons-nous pour privilégier l’accès à la connaissance et le développement de l’imagination, quel que soit le support ou le format utilisé.

Stéphane Koch

[En complément]

Les livres et les bibliothèques n’étaient pas toujours accessibles à toutes et à tous, ou garantes du savoir au sens universel du terme:

« La sacralisation du livre, et de ce fait, de la bibliothèque, tient beaucoup à ce que durant la période du Moyen-Age, la lecture n’existe plus que dans un contexte religieux, contrairement à l’Antiquité gréco-romaine où l’écrit était très présent dans l’espace public. Au Moyen-Age, l’essentiel des textes est lié au sacré, au religieux, à la méditation : les espaces de lecture sont donc exclusivement réservés aux ordres monastiques (…) » []

« (…) Longtemps, les interdits reposent sur la volonté de protéger et de conserver les documents plutôt que les communiquer au public. A la fin du XIXème siècle, le magazine américain Life publie ainsi une interview imaginaire26 à propos de la bibliothèque Lennox de New-York, qui souligne avec ironie l’importance que prend la conservation des documents, au détriment de leur valorisation :

– Qu’est-ce que c’est?
– Ceci, mon cher, est la grande bibliothèque de Lennox.
– Mais pourquoi les portes sont-elles fermées à clé?
– Pour empêcher les gens d’y entrer.
– Mais pourquoi?
– Pour que les jolis livres ne soient pas abimés.
– Comment ça! Mais qui abîmerait les jolis livres?
– Le public.
– Comment?
– En les lisant.

« (…) Certains segments de publics ont parfois été écartés des bibliothèques, notamment les femmes28 et les enfants, considérés comme trop fragiles et trop vulnérables aux dangereuses lectures qu’ils pouvaient faire en bibliothèque. Aujourd’hui, si les femmes sont autorisées à fréquenter toutes les bibliothèques publiques, l’accès reste toujours interdit aux jeunes dans certaines bibliothèques d’études. Ainsi, à la BnF, le Haut-de Jardin est réservé aux personnes de plus de 16 ans, ce qui exclut d’emblée enfants et adolescents. »

[Source: Adèle Spieser, « Fais pas ci, fais pas ça : les interdits en bibliothèque » pages 14, 17, 18]

[Opinion 16.11.2021] La dynamique de cette pandémie, la difficulté à anticiper le futur en raison du comportement non linéaire et de l’imprédictibilité de ce virus ont rendu d’autant plus difficile la communication sur la gestion de la pandémie au sens large ainsi que ses impacts sur la santé, la vie sociale et l’économie. Les difficultés inhérentes à ce contexte ont créé beaucoup de confusion dans l’esprit des gens, déstabilisés par la forte fragilisation des repères habituels sur lesquels ils se basaient pour projeter leur avenir. En 1852, Emile de Girardin disait « Gouverner, c’est prévoir ; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte », définissant comme une « science nouvelle » le fait d’appliquer le calcul des probabilités et de la notion « d’assurance » à la vie des nations. Mais à l’ère de la COVID, la  gestion du risque lié au comportement erratique de ce virus et de ses conséquences, de même que les aspects de gouvernance de la crise, a rendu obsolète l’évaluation objective de la situation sur le court terme. Les projections subjectives de la situation ne sont plus nécessairement suffisantes non plus pour réduire la marge d’incertitude dans les prises de décision (voir l’encadré 1 au bas de l’article). À ce titre il est intéressant de prendre en compte les aspects de non-linéarité, de complexité, d’ambiguïté, d’anxiété, de fragilité et d’incompréhensibilité que l’on trouve dans les modèles VUCA et BANI (voir l’encadré 2 au bas de l’article) .

Appréhender la gestion du risque sous l’angle de l’utilisation du Certificat Covid

De manière pragmatique, par rapport à ce que je suis en mesure de comprendre. Je vais essayer de résumer, sans pour autant garantir que ça soit exhaustif, les différents facteurs de risques liés à l’utilisation du certificat COVID:

Au niveau du risque d’être porteur du virus :
Les tests PCR permettent de définir une fenêtre de risque plus limitée dans le temps (trois jours) et les tests antigéniques, moins fiables, un jour, alors que pour une personne vaccinée cette mesure n’existe pas, malgré que les personnes vaccinées puissent quand même contracter le virus (dans une moindre mesure, avec moins de conséquences).

Au niveau du risque de transmettre le virus:
Dès lors, une personne testée PCR représente un risque très limité de transmission le jour même (mais être testé ne diminue en rien le risque de contracter le virus), mais le risque augmente crescendo les deux jours qui suivent (une personne contaminée devient très contagieuse environ 48 heures avant l’apparition des symptômes et un test PCR détecte l’infection un à deux jours avant l’apparition des symptômes /OFSP).

Cependant, si une personne testée, mais non vaccinée vient à contracter le virus, le facteur de risque sur sa santé et sur celles des personnes qu’elle pourrait contaminer est important (COVIDlong, grave, hospitalisation). Ces risques d’un COVID grave seront beaucoup moins importants pour des personnes vaccinées, qu’une personne non vaccinée aurait infectées (hors comorbidité, immunodéficience).

Une personne testée, mais contaminée (que ça soit par une personne vaccinée ou non vaccinée) deviendrait donc un vecteur fort de la propagation du virus, d’autant plus envers d’autres personnes testées, mais non vaccinées. Alors que dans un cas de figure identique, une personne vaccinée qui contacterait le virus représenterait un risque plus faible de transmission envers des non-vacciné.e.s, avec (semble-t-il – les personnes vaccinées infectées par le variant Delta avaient 63% de probabilités en moins de transmettre le SARS-CoV-2 à des personnes non vaccinées) des conséquences moins sévères, et un risque encore faible de transmission à d’autres vaccinés (90% de risques en moins de l’infecter, selon une étude belge).

Il faut aussi prendre en compte la diffusion aérosol du virus qui implique des différences en fonction du lieu fermé (volume et renouvellement/assainissement de l’air), et, respectivement, de l’impact du nombre de personnes testées par rapport au nombre de personnes vaccinées sur la valeur de la charge virale dans un lieu donné (à ma connaissance, on n’a pas encore beaucoup de données là-dessus, si ce n’est des approches de principe basées sur la mesure de la qualité de l’air par rapport à la teneur en Co2/ppm ?).

Considérations:
Dès lors, tant en termes d’efficacité qu’au niveau du consensus scientifique (par encore fort, me semble-t-il ?), l’approche des 2G fait sens. Néanmoins, en matière de maîtrise des risques, je ne suis pas certain que la valeur ajoutée de cette mesure (2G) soit suffisamment importante. La principale raison se situe au niveau de l’analyse des risques qui sont présents en dehors du spectre du traitement direct du virus (propagation, diffusion, contagiosité, charge).

Le comportement humain est un élément indissociable du respect des mesures sanitaires, et l’application de celle-ci dépend en partie de leur acception par la population. En partie, parce que certaines de ses mesures sont acceptées soit par contrainte (peur de la sanction) ou par le principe de suivre les règles, sans nécessairement en reconnaître pleinement le bien-fondé.

On a pu observer que les tests payants ont eu un impact non négligeable sur le comportement des gens, ça a sans doute poussé des mécontents à vers les mouvances coronasceptiques, alors qu’ils ne l’étaient pas à la base, tout comme ça a renforcé les mouvements concernés. Ça a aussi poussé des personnes à utiliser de faux certificats, et ça, c’est un réel problème pour ce qui concerne la gestion du risque. Ces faux certificats (vaccination ou COVID) dont l’utilisation n’est de loin pas anodine ont non seulement un impact sur la qualité de données collectées sur les contaminations et les modes de propagation (et des décisions issues de l’analyse de ces données), mais aussi sur la gestion du risque en donnant un état des lieux sur le niveau de risque dans un lieu donné, représenté par la réalité du nombre de personnes testées ou vaccinées. Suivant la proportion de personnes utilisant un faux certificat, un lieu peut aisément se transformer en cluster (et le virus trouvera ses hôtes principalement parmi les personnes correctement testées, mais non vaccinées)…

Là aussi, l’approche 2G pourrait potentiellement réduire le risque (partant du principe qu’il y a moins de faux certificats de vaccination, que de faux certificats Covid – un faux certificat de vaccination permettant de générer un « vrai » certificat Covid), mais en raison des facteurs humains et économiques (au point de la vue humain aussi) ce n’est pas si simple.

Selon toute vraisemblance, on va devoir cohabiter avec le virus, tant au niveau de notre santé, qu’au niveau humain, social, et économique… beaucoup de (nouveaux) traitements qui vont – potentiellement – nous permettre d’améliorer nos moyens de lutte contre ce virus se profilent, mais le futur n’est qu’une forme d’hypothèse faite de probabilités que de nombreuses variables peuvent venir altérer (l’apparition d’un nouveau variant qui changerait l’efficacité de traitements basés sur un variant antérieur par exemple).

Il faut donc trouver des compromis qui peuvent non seulement offrir une gestion viable de ce virus, mais aussi permettre de servir de zone tampon propre à mitiger le risque de rupture de confiance sur des décisions – liées à la gestion de cette crise sanitaire – considérées à l’instant « T », comme adéquates par rapport aux données que l’on avait à disposition au moment de la prise de décision, mais qui ne pourraient plus être aussi pertinentes dans le futur en raison de l’imprédictibilité du comportement du virus qui s’adapte plus rapidement à ce qu’on lui oppose, que nous à sa capacité à changer.

On observe que beaucoup de pays, entre autres nordiques, qui étaient revenus à une forme de normalité, ont donné l’impression de faire « marche arrière » en réintroduisant des mesures sanitaires qu’ils avaient précédemment abandonnées (suspendues dans les faits). Il est important de comprendre qu’il ne s’agit justement pas d’un retour en arrière, mais encore et toujours d’un continuum de décisions basées sur une analyse continue du risque. Cette évaluation du risque amène au choix des mesures à prendre, et des outils qui seront le mieux à même d’épauler la stratégie choisie. Réintroduire le passe sanitaire/Certificat covid, ainsi que d’autres gestes barrières tels que le masque, est une manière de ramener le risque à un niveau acceptable dans cette optique de cohabitation avec ce virus. C’est aussi représentatif de l’avancée que l’on a pu avoir dans l’élaboration d’outils qui nous permettent aujourd’hui de ne pas revenir à un confinement strict (semi-confinement pour la Suisse), et ne pas saturer les hôpitaux (du moins pour le moment), malgré l’augmentation exponentielle des cas. Et cette baisse des hospitalisations, des mises sous respirateurs, des décès, on le doit indéniablement aux vaccins, qui sont encore à l’heure actuelle le plus efficace des gestes barrières pour lutter contre ce virus. En une année, on a donc passablement évolué et amélioré notre gestion de la Covid19 et de son impact sur la population. Mais, à nouveau, le présent n’est pas le futur, et l’on a besoin de ces outils pour conserver le plus de possibilités et marge de manœuvre pour combattre le comportement erratique de ce virus, sans pour autant devoir battre en retraite parce que l’on se sera séparé de l’un des outils qui nous permettent cette cohabitation. Le Certificat covid est l’un des outils qui nous permettent d’avoir une évaluation dynamique du risque.

Pour ma part, je n’ai pas l’impression que le 2G soit la mesure à prendre dans l’immédiat, même si en fonction du pourcentage de personnes non vaccinées et de l’augmentation des cas graves et/ou hospitalisation parmi cette population (sans compter les conséquences sur la logistique et l’économie de l’absence de ces personnes à leurs postes), il faudrait sans aucun doute en venir à de telles mesures si on veut – dans ce cas-là – éviter de revenir en arrière et bloquer à nouveau l’ensemble de notre société (pour autant que l’on ait les moyens socialement et économiquement).

Peut-être qu’à un moment on va devoir prendre en compte d’autres facteurs tels que la mesure du niveau potentiel de présence du virus sous une forme aérosol (co2/ppm), combinée à un nombre donné/limité de personnes testées par rapport à celles vaccinées dans un lieu fermé..? Aussi envisager que les tests ne soient plus un problème de coût pour une partie de cette minorité non vaccinée, mais que l’on fixe un prix plancher. L’important étant toujours de réduire le risque au maximum par rapport aux personnes qui en représentent le plus d’être infectées par virus ou de le propager, tout en permettant dans le même temps aux uns et aux de maintenir un lien social acceptable sous l’angle sanitaire…

Le certificat Covid indéniablement fait partie de ces compromis, il sert à aider les autorités sanitaires, les institutions et les acteurs privés, à pouvoir mieux réguler les risques liés à la circulation du virus. Et non à contrôler les individus. C’est le garant fragile d’une forme de liberté pour les personnes qui ont suffisamment d’empathie pour choisir d’accepter de se faire tester ou vacciner plutôt que de prendre le risque de représenter une charge supplémentaire tant au niveau humain, qu’économique, dans une société déjà fragilisée par les impacts de la pandémie. Mais c’est aussi – et surtout – avoir suffisamment d’empathie et de sens des valeurs humaines pour ne pas volontairement et consciemment représenter un danger pour les personnes qu’elles sont amenées à côtoyer.

[Encadré 1]

[Encadré 1]Emmanuel Petit délimite le risque de l’incertitude afin d’au final les faire mieux cohabiter à travers la notion de « probabilité subjective ». Je cite : « La théorie de la décision a fait très tôt une différence, avec Frank Knight (1921), entre la notion de risque et celle d’incertitude. Le risque s’apparenterait ainsi à une situation dans laquelle les évènements futurs (appelés aussi états de la nature) sont connus et probabilisables, comme c’est le cas dans la théorie de l’espérance d’utilité (étude des choix risqués). L’incertitude renverrait à une situation beaucoup plus floue où les évènements futurs ne sont pas connus et probabilisables. Toute l’ingéniosité du statisticien américain Leonard Savage a consisté à supposer que, même dans une situation d’incertitude, un individu a la possibilité de former une probabilité subjective sur l’occurrence (ou non) d’un évènement futur.

C’est par exemple le cas lorsque vous tentez de deviner (ou que vous avez une idée) du temps qu’il fera demain ou dans une semaine…. La prise en compte des probabilités subjectives conduit à réduire considérablement la différence entre le risque et l’incertitude.

Le risque fait référence à une situation en présence de probabilités objectives, l’incertitude renvoie à des probabilités subjectives. Le paradoxe d’Ellsberg montre cependant que les individus ne manient pas toujours de façon très rationnelle les probabilités qu’ils perçoivent. »

[Encadré 2]

VUCA (Volatility (Volatilité), Uncertainty (Incertitude), Complexity (Complexité) et Ambiguity (Ambiguité)). Warren Bennis et Burt Nanus ont défini et utilisé cet acronyme pour décrire ou réfléchir à la volatilité, l’incertitude, la complexité et l’ambiguïté des conditions et des situations générales. Cette approche de la gestion des situations problématique proposée par VUCA est à mettre en abîme avec celle, récente, élaborée en 2016 par Jamais Cascio de l’IFTF (Institute for the Future), qu’il résume par BANI Brittle (Fragile), Anxious (Anxieux), Nonlinear (Non-linéaire), Incomprehensible (Incompréhensible). J’y vois plus une complémentarité par rapport aux évolutions qu’elle apporte à VUCA, sans pour autant qu’elle doive complétement s’y substituer ou s’y opposer :

[VUCA /wikipédia]

  • V = Volatilité : la nature et la dynamique du changement, ainsi que la nature et la vitesse des forces et des catalyseurs du changement.
  • U = Incertitude : le manque de prévisibilité, les perspectives de surprise, et le sentiment de conscience et de compréhension des problèmes et des événements.
  • C = Complexité : le multiplexage des forces, la confusion des problèmes, l’absence de chaîne de cause à effet et la confusion qui entoure l’organisation.
  • A = Ambiguïté : le flou de la réalité, le potentiel d’erreurs d’interprétation et les significations mixtes des conditions ; confusion de cause à effet.

[BANI / Alonso Alvarez]

  • B = Fragile : sorte de forteresse illusoire que possèdent des systèmes apparemment solides mais qui peuvent facilement s’effriter. Par exemple, les pays riches grâce à l’exploitation d’une ressource naturelle qui s’effondrent avec les fluctuations de prix, ou les monocultures de notre agriculture moderne qui sont très vulnérables aux parasites en raison de leur faible variabilité.
  • A = Anxieux : l’anxiété causée par les changements continus. Cette anxiété peut conduire à la passivité lorsque vous avez l’impression que les changements sont une avalanche et qu’il n’y a aucun moyen de les influencer. Le flot de nouvelles provenant des médias et la « désinformation » y contribuent également.
  • N = Non linéaire : la déconnexion et la disproportion entre la cause et l’effet. Nous constatons peut-être aujourd’hui l’impact sur le climat d’actions entreprises il y a 40 ans ; ces conséquences auraient-elles pu être prévues à l’époque ? Quelle est la relation entre l’acte mineur de chasser ou de manger un animal et le déclenchement d’une pandémie qui change le monde ? Il existe une grande différence entre l’échelle à laquelle les choses se produisent et l’échelle à laquelle nous les percevons.
  • I = Incompréhensible : conséquence de l’excès d’information et de son caractère souvent contre-intuitif (comme ce qui se passe lorsque l’IA ou le Big Data interviennent). Heureusement, ce qui est incompréhensible aujourd’hui n’a pas à l’être demain.

Stéphane Koch

[Colloque cantonal de promotion de la santé du Canton de Neuchâtel, le 2 décembre 2021: « Promouvoir la santé de la recherche au terrain » | Texte de présentation de mon intervention] La crise de la COVID19 nous a mis face à une déferlante ininterrompue d’informations. Les réseaux sociaux par le biais de relais humains ou des algorithmes ont joué un rôle d’amplificateur dans sa diffusion, ajoutant d’autant à la confusion. Il est devenu dès lors difficile de distinguer l’information de qualité, celle-ci étant souvent noyée sous les flots de contre-vérités, fausses informations, mésinformations, commentaires, et autres formes de contenus produits et partagés par tout un chacun.

L’analyse des faits s’est fait balayer par la déferlante des opinions et des fausses informations. L’émotion a pris le pas sur le factuel. Comme si toute la connaissance acquise, spécifiquement dans les domaines de la science, au fil des siècles, pouvait être balayée d’un simple clic. Comme si la seule vérité qui puisse exister aux yeux de certains est celle qui se forge dans la subjectivité de leurs croyances idéologiques.

Pour le citoyen, il n’est pas simple de faire la part des choses dans ce brouhaha informationnel. Que ça soit entre les médias classiques et les médias autoproclamés. Ou encore certains journalistes qui partagent leur opinion sur les réseaux sociaux, tout en la contredisant parfois dans les contenus des articles qu’ils rédigent sous leur casquette professionnelle. Ou encore ces quelques médecins, scientifiques, et autres « experts » pétris de certitudes, qui viennent nous dire ô combien leurs milliers de confrères sont incompétents à trouver cette « vérité » qu’ils ont pourtant découverte entre deux plateaux télé.

La situation infodémique qui résulte de ces différents éléments a créé un rapport de force asymétrique entre ceux qui diffusent ou relaient de fausses informations et ceux qui ont pour objectif de fournir une information fiable. La somme d’efforts nécessaire, autant à lutter contre la désinformation que celle à produire des informations suffisamment vulgarisées, sourcées et vérifiables, est devenue colossale et extrêmement chronophage, alors que mésinformer ou désinformer ne demande que très peu de temps et d’efforts.

Cette lutte contre la désinformation implique une présence et un engagement fort sur les réseaux sociaux et la mise en place de relais (humain) à même de contribuer à consolider ce front informationnel. Dès lors, quelle stratégie adopter et quels outils utiliser pour pouvoir mitiger l’impact de la mésinformation ou de la désinformation ?

Stéphane Koch

Liens utiles:

 

[Chronique écrite le 02.05.2021, pour Cybercoachs et Le NouvellisteOn observe au sein de certains mouvements coronasceptiques et antivax, non seulement une montée de l’antisémitisme, mais aussi de nombreux détournements des symboles de la Shoah ou nazi, tel celui de l’étoile jaune, avec un « pas vacciné » à la place de « Juif », ou encore le « Passe Nazitaire » utilisé par une enseignante genevoise sur les réseaux sociaux. En plus de l’oligophrénie dont il faut faire preuve pour mettre en abîme des mesures destinées à protéger la santé des citoyens avec celles dont le but était leur extermination, il y a aussi le déni implicite de toute l’horreur du vécu de millions de personnes de confession juive et de minorités, sous le régime nazi pendant la Seconde Guerre mondiale.

Dès lors, le détournement de cette image mériterait d’être sanctionné. J’ai donc interpellé la Commission fédérale contre le racisme (CFR) afin de savoir quels sont les moyens légaux à disposition.

Réponse de la CFR : « Il s’agit sans doute d’une comparaison inacceptable et d’une banalisation de l’holocauste, ce qui peut aussi être blessant pour des personnes touchées. Le problème avec la norme antiraciste, c’est que pour l’al. 4, deuxième partie de l’art. 261bis CP (nier, minimiser grossièrement ou chercher à justifier un génocide), la jurisprudence exige un mobile discriminatoire. Le TF dit que cela est intrinsèque à la justification, mais pas à la négation ou à la minimisation. Pour cela, une condamnation pour infraction de 261bis CP n’est pas très probable. ».

Cette difficulté à sanctionner pénalement un comportement inacceptable au niveau moral démontre bien que notre cadre législatif n’est pas adapté aux réalités de notre société. D’autant plus que l’on ne se gêne pas de critiquer les agissements des plateformes sociales en la matière.

Un pays est souverain et, à ce titre, les conditions d’utilisation d’un réseau social n’ont pas à se substituer aux lois de ce pays. Nous avons la responsabilité de fournir le cadre légal permettant de sanctionner ce que l’on aimerait que ces plateformes sanctionnent.

De plus, ne pas le faire revient aussi à dire qu’un comportement moralement inacceptable, est implicitement acceptable dans les faits, étant donné qu’il n’est pas punissable par la loi.

Stéphane Koch

[Chronique écrite le, 30 octobre 2019, pour Cybercoachs et Le Nouvelliste] À chaque nouveau drame, propos haineux, ou diffusion de fausse information, on a tendance à mettre en cause la technologie, respectivement les GAFAM (Facebook, Google et consorts). Dans le cas de la tuerie à Christchurch – qui avait été filmée en direct par son auteur – le premier signalement fait à Facebook est arrivé 29 minutes après le début de la vidéo, soit 12 minutes après la fin du direct. Ce drame a débouché sur « l’Appel de Christchurch / www.appeldechristchurch.com», qui pointait principalement sur la responsabilité des plateformes en ligne… Il est en effet important de plus responsabiliser ces plateformes, mais il faut aussi être conscient que ce que l’on voit sur le net, est le reflet de nos comportements dans le monde physique.

Les réseaux sociaux induisent et permettent une expression non filtrée et directe de l’émotionnel. Parfois prises en otage par une minorité d’individus, ces plateformes sont instrumentalisées pour donner corps à la rumeur, propager et amplifier de fausses informations et des théories du complot… transformant, de fait, ce fantastique « connecteur social » en un outil de propagation de la haine et du rejet de « la » différence, une sorte de caisse de résonance à toutes les formes de discrimination…

Mais, pour pouvoir exister, ces différentes formes de dérives ont besoin d’être nourries et relayées. Que l’on critique (commente) ou que l’on soutienne (like ou partage) ce que l’on voit s’afficher sur nos plateformes sociales, on y apporte une forme de contribution et d’amplification. Il est donc important de se questionner sur notre part de responsabilité et notre participation à ces mouvements de foule numériques, alors que l’on a aussi le moyen d’aider à les stopper d’un simple clic… Faire preuve de civisme à l’ère du numérique, n’a rien de virtuel… Souvent, on entend dire que les réseaux sociaux sont « inhumains »… mais ne devrait-on pas plutôt se poser la question sur la part d’humanité que l’on met dans l’utilisation de ces espaces numériques..?

S’éduquer aux médias et à l’information, développer un esprit critique, aiguiser son sens du discernement, savoir gérer ses émotions, sont des enjeux fondamentaux de la transformation numérique de notre société. Et à ce titre, l’école joue un rôle central et prépondérant.

Stéphane Koch

[Chronique écrite le 02.05.2021, pour Cybercoachs et Le Nouvelliste] Les réseaux sociaux ont permis à tout un chacun d’exprimer son opinion sur un sujet ou un autre. Non seulement par l’écriture, mais aussi par l’expression orale. C’est un bel exemple de la démocratisation de la prise de parole. Lors de la journée mondiale de la poésie, le poète britannique Georges Mpanga, disait même que « les réseaux sociaux ont aidé les artistes [les poètes] à partager leurs pensées à une échelle jamais vue auparavant ». Mais dans cette « libération de la parole », beaucoup ont perdu la conscience et le sens des mots, et surtout du poids des maux qu’ils induisent… Et ce qui se partage sur les plateformes sociales n’est pas que « poésie », loin s’en faut…

Fréquemment les gens se drapent dans la « liberté d’expression » et dans « l’humour » pour s’autoriser des mots blessants, stigmatiser le genre, l’orientation sexuelle, l’appartenance ethnique, la religion, l’apparence, ou propager la haine… Mais la justification de la liberté d’expression n’est pas un passe-droit. Cette liberté est en effet un droit humain fondamental, mais aucun droit humain ne peut être utilisé ou justifier une atteinte à la dignité humaine, comme le rappelle, entre autres, l’article 261bis du Code pénal suisse. Il en va de même pour l’humour. Il ne suffit pas dire que c’est de l’humour », pour que ça soit drôle ou que ça permette de dire n’importe quoi simplement parce que l’on a mis un #humour.

Pour l’humoriste Jean-Luc Barbezat, « le problème de l’humour sur les réseaux sociaux est que l’on s’invite chez les gens. Chez des personnes qui ne partagent pas nécessairement le même sens de l’humour que nous. Qui n’ont rien demandé et à qui on impose notre vison des choses. Alors que ceux qui viennent dans nos spectacles ont choisi de le faire en connaissance de cause ». Notre société se transforme numériquement, elle nous rapproche à un clic de « l’autre », tout en risquant de plus nous diviser si on ne fait pas attention. Dès lors, cette démarche empathique prend tout son sens.

Avant de s’exprimer, et particulier sur les réseaux sociaux, mais pas que… on devrait toujours avoir en tête cette citation de Paulo Coelho : « La plus terrible de toutes les armes est la parole qui ruine une vie sans laisser de traces de sang et dont les blessures ne cicatrisent jamais. »

Stéphane Koch

[Chronique écrite le 29.11.2020, pour Cybercoachs et Le Nouvelliste] La crise de la COVID19 nous a mis face à une déferlante ininterrompue d’informations. Il est devenu difficile de distinguer l’information de qualité, celle-ci étant noyée sous les flots des commentaires et autres formes de contenus produits et partagés par tout un chacun.

L’analyse des faits s’est fait balayer par la déferlante des opinions et autres contrevérités. L’émotion a pris le pas sur le factuel. Comme si toute la connaissance acquise au fil des siècles pouvait être balayée d’un simple clic. Comme si la seule vérité qui puisse exister aux yeux de certains est celle qui se forge dans la subjectivité de leurs croyances.

Loin de moi l’idée de porter un regard trop critique sur ceux qui sont parfois un peu trop crédules. Il n’est en effet pas simple de faire la part des choses. Que ça soit entre les médias classiques et les médias autoproclamés. Ou ces journalistes qui partagent leur opinion sur les réseaux sociaux, tout en la contredisant parfois dans les contenus des articles qu’ils rédigent sous leur casquette professionnelle. Ou encore ces quelques médecins, scientifiques, et autres « experts » pétris de certitudes, qui viennent nous dire ô combien leurs milliers de confrères sont incompétents à trouver cette « vérité » qu’ils ont pourtant découverte entre deux plateaux télé.

Néanmoins, il existe une solution à cette forme de liquéfaction de la vérité. Elle se trouve dans l’éducation. Plus particulièrement dans l’enseignement à l’esprit critique. Cette matière devrait même devenir une priorité nationale. Car, comme le dit Eirick Prairat, philosophe de l’éducation : « S’il est une institution en première ligne, c’est bien l’école. Car, si cette dernière a pour tâche de transmettre des vérités scientifiques et des vérités de fait, ce que l’on appelle un patrimoine symbolique et intellectuel, elle a aussi pour tâche de former le citoyen, un citoyen acteur dans les débats publics. Ces deux missions ne sont pas disjointes, car ce n’est que sur fond d’une culture partagée que les controverses politiques sont possibles et… utiles. Dans une société où la désinformation et le manque d’esprit critique prennent le pas sur la recherche, il devient urgent de se poser les questions essentielles.  Les post-vérités ou idées haineuses, très souvent loin des faits, peuvent gangrener l’École ».

Stéphane Koch

[Chronique écrite le 29.07.2020, pour Cybercoachs et Le NouvellisteTiktok est une application de partage de vidéos dont la construction repose généralement sur une mise en scène basée sur l’utilisation d’un fond sonore, musical ou vocal.  La popularité de l’application a explosé ces six derniers mois. Aujourd’hui toutes les classes d’âges et types d’institutions y sont représentées. Mais cette «  évolution » n’est pas sans conséquence sur la nature des contenus qui sont y partagés. Et même si beaucoup des vidéos produites par les utilisateurs sont créatives et inspirantes, un certain nombre d’entre elles peuvent avoir un impact négatif sur la construction de l’identité des enfants et des adolescent-e-s.  

Il y avait déjà ces vidéos hypersexualisées, mises en ligne (majoritairement) par des ados et préados en recherche d’attention, qui pour quelques likes de plus sont prêtes à érotiser leur corps. Ce qui, dans le monde physique, risque de rendre plus flous les messages de prévention liés à la lutte contre les différentes formes du sexisme.

Mais un nouveau phénomène à un impact négatif sur le « consentement » en matière de sexualité, respectivement sur la capacité à refuser certaines pratiques qui ne seraient pas désirées. Jusqu’à lors il était assez simple de discerner les pratiques qui pouvaient être inspirées directement des films pornographiques. Les ados pouvaient s’en distancer en appliquant l’adage « la pornographie, ce n’est pas la vraie vie » !  

Mais c’était avant Tiktok… cette capacité à définir une « frontière » entre la « vraie vie » et la « pornographie » a été mise à mal par de nombreuses vidéos – dont le caractère se veut humoristique – mettant en scène de jeunes ados mimant une éjaculation faciale en se badigeonnant le visage de savon liquide, ou encore d’autres incitant à des rapports par voie anale… Le problème de ces vidéos c’est qu’il s’agit d’un mode de communication « par les pairs ». Des ados qui parlent à d’autres ados, ce qui complique d’autant le refus de ce genre de pratiques.

Ce phénomène représentent autant d’injonctions sur le corps et sur des attitudes auxquelles tout-e-s les ados n’ont pas envie d’adhérer. Il est important de l’intégrer dans une approche holistique de l’éducation sexuelle au sein des écoles ainsi que chez les parents.

Stéphane Koch

[Chronique du 26.02.2020, pour Cybercoachs et Le Nouvelliste] Les influenceurs, la chosification des corps à travers la publicité ou la télé-réalité, mais aussi les images retouchées, peuvent avoir un fort impact sur la santé mentale des adolescents. Il est devenu nécessaire de savoir « décrypter » ces modes de communication et de transformation numérique des contenus, afin de les aider à développer une distance critique par rapport aux contenus auxquels ils accèdent. Leur permettre de comprendre comment la construction de leur identité peut être affectée par les différentes formes d’injonctions, qu’elle soit celles liées à l’esthétique, l’alimentation, ou encore la manière de se représenter dans notre société…

En fin de compte, les réseaux sociaux ne sont-ils pas juste un miroir sociologique des errances identitaires des ados, ou pire… un système qui, insidieusement, ancre dans leurs esprits l’idée d’une société pétrie de ces stéréotypes contre lesquels on se bat au quotidien, dans l’éducation, entre autres ? L’idée d’une existence où il est nécessaire de scénariser et idéaliser sa vie à coup de selfies, de « likes », et d’une représentation de soi sublimée à grand renfort de « filtres » ? Pour les adolescents (et préadolescents), il n’est pas simple de comprendre le lien entre la relation à l’image et la relation à la « construction de soi » dans les diverses façons de se représenter dans le monde numérique… que cela soit à travers les mises en scène de ces vies incroyables et pleines de bonheur que l’on observe sur les réseaux sociaux, ou aux images à « l’esthétique parfaite » postées sur Instagram ou Snapchat… il ne leur sera pas toujours facile de définir quelle est la part de vérité, et quelle est la part de « fiction ».

Comment « être » et « exister » au milieu de ce foisonnement de proposition d’identités, dont le caractère commercial et aguicheur va exclure de facto leur propre identité. Il est donc primordial de les accompagner dans cette démarche.  

L’éducation aux médias et à l’information ne doit pas se réduire à la détection des fake news, il doit aussi, et avant tout, être un outil de développement de l’esprit critique et de l’aptitude au discernement.

Stéphane Koch

[Paru dans Le Temps, le 4 September 2013] Christoph Meili ; Bradley Birkenfeld ; Rudolf Elmer ; Hervé Falciani, ou encore le cas récent de ce banquier auquel l’ex employé de la CIA, Edward Snowden, aurait soutiré des informations capitales… Autant de noms et d’affaires qui ont défrayé la chronique depuis plus de 15 ans. Tous, ont d’une manière ou d’une autre, « trahis » leur banque en transmettant des données confidentielles à des tiers, généralement un État étranger… Ces divulgations ont causé des dommages politiques, financiers, concurrentiels et réputationnel considérables à la Suisse et sa place financière.

Bien qu’il soit possible de sécuriser des “systèmes informatiques” avec un certains degré d’efficacité, en définissant des règles et en gérant un certains nombre de paramètres techniques, il n’en va pas de même avec l’humain… La gestion du facteur humain dans les risques qu’il induit au niveau de la sécurité des systèmes d’information, et respectivement de la protection du patrimoine informationnel et réputationnel de l’entreprise, est généralement sous-estimé… Et de plus en plus difficile à gérer en raison d’un contexte économique et social qui se détériore au fur et à mesure des différentes crises que notre société traverse. C’est pour cela que la sécurité de l’information doit englober autant la sécurité des systèmes informatiques et des données, que la sécurité humaine. On comprendra dès lors que la réponse à apporter à ce problème, et respectivement la capacité à sécuriser ses avoirs informationnels, ne repose pas uniquement sur la technologie, mais aussi sur la capacité de l’entreprise à prévenir et à anticiper ce genre de comportements (humains).

L’humain est une « machine complexe »… La relation entre un employeur et un employé est similaire à celle d’un couple. Par analogie, on peut estimer qu’un employé est “pacsé” avec son entreprise. La « reconnaissance » ; la « loyauté », ainsi que la « réciprocité » sont les principales valeurs qui « cimentent » une relation. Que ça soit dans une entreprise, ou au sein d’un couple. Lorsque l’un se sent trahi, il y a des chances qu’il trahisse à son tour. Christophe Dejours, psychiatre et psychanalyste français, dit « la reconnaissance que peut apporter le travail s’inscrit dans la dynamique de construction et de stabilisation de l’identité. Le travail est un ingrédient essentiel de la santé mentale mais, il peut également contribuer à désorganiser l’identité, voire à la détruire et il devient alors un facteur pathogène de grande puissance. »

Prenez l’affaire des employés de banque dénoncés par leurs employeurs. Il y a des risques qu’ils livrent leur banque en retour. Surtout quand l’actualité démontre que cette “trahison” peut être des plus profitables (affaire Birkenfeld)… Une étude de KPMG réalisée auprès d’experts en informatique, démontrait que 66% d’entre eux pourraient travailler pour le « côté obscur de la force » s’ils s’estimaient mal considérés ou pensaient qu’ils allaient se faire licencier. Une autre étude menée par le «Ponemon Institute» aux États-Unis sur 945 employés a démontré que 60 % des personnes interrogées seraient prêtes à subtiliser des données appartenant à leur entreprise si elles venaient à être licenciées.

Il est donc primordial de se poser la question de savoir comment intégrer le facteur humain dans la sécurisation des données. Comment est-ce qu’on sécurise l’humain? Tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise.. La gestion de la relation de confiance entre l’employé et son employeur, de même que la sensibilisation des employés à ce type de risque est devenue un élément central.

Les mesures à prendre pour sécuriser son patrimoine informationnel vont de la surveillance d’un certain nombre d’indices généralement rattaché au DRH (absentéisme, charge de travail, stress, conflits, primes, psychopathologies, conduites addictives, etc), à hiérarchisation et une analyse pointue des flux de données qui circulent au sein de l’entreprise (identification des informations stratégiques pour l’entreprise leurs lieux de stockage, et les personnes qui y ont accès. « DPI » : analyse approfondie des informations qui circulent sur le réseau, ainsi que les téléchargements et transferts de données sur des supports externes, de même que les impressions de documents, etc…). Ce qu’il est important de comprendre c’est que ces « mesures de surveillance », doivent non seulement figurer dans le contrat de travail, mais aussi être présentées aux employés en toute transparence, par le biais de « sensibilisation » aux risques auxquels l’entreprise et ses employés sont confrontés.

Il ne faut pas négliger non plus les attaques possibles de la part d’États étrangers… A l’aune de ce qu’a révélé E. Snowden, il est tout a fait vraisemblable qu’un État utilise des cybers mercenaires, ou des agents de services de renseignement se faisant passer pour tels, et tente de pénétrer les systèmes de l’entreprise par le biais d’attaque informatiques, ou par celui d’attaques de types « Social Engineering »… La dématérialisation des données à permis aux entreprises d’accroître la productivité, mais elle a aussi amené beaucoup de complexité dans la gestion de leur sécurité… Et dans le contexte actuel de « guerre économique », la maîtrise le la sécurité est devenue un facteur prépondérant à la pérennité de leurs activités…

Stéphane Koch, Vice-Président d’ImmuniWeb SA

Téléchargez le rapport annuel 2010 sur la cyber-censure: Ennemis d’Internet & Pays sous surveillance (PDF / 62 pages)
12 mars 2010, "Journée mondiale contre la cyber-censure"
Cette journée est destinée à mobiliser chacun d’entre nous en soutien à un seul Internet.
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(25.01.09) Interview par Rodolph de Marco dans le cadre du Brunch de Lausanne FM

Tous les dimanches entre 11h et 12h, la rédaction de LFM vous présente "le Brunch". Nasrat Latif ou Rodolph de Marco reçoivent une personnalité pour commenter l’actualité de la semaine.Accéder aux autres podcasts du Bruch