Réaction suite à l’article : L’ère du journalisme « participatif» (Le Temps" du 30 mai 2008)
Bien que la formulation soit quelque peu malheureuse (gestionnaire de plate-forme) et sortie de son contexte, on peut néanmoins dire que le journaliste à l’ère numérique (titre d’un livre d’Alain Joannes, journaliste, traitant du sujet), se doit de maîtriser et de gérer l’environnent actuel de production de l’information. Sans cela, il s’expose à une perte de la "substance informationnelle" (distance critique, analyse et croisement des sources, détection des biais, entre autres…).
Cela dit, quelles que soient les technologies, l’humain reste au centre de la production d’information (bien que dans certains cas les technologies sont capables de produire du contenu), il est de manière générale l’émetteur et le récepteur du message. Ceci m’amène à l’article paru dans le « Le Temps » sur le journalisme participatif (vendredi 30 mai 2008), pour lequel j’ai aussi été interviewé.
Sans vouloir me poser en donneur de leçon, mais plutôt en tant que témoin privilégié, je me permets d’intervenir sur ce qui a été dis dans le cadre de l’interview par rapport à ce qui a ensuite été publié dans l’article (surtout au niveau du sens donné).
En introduction je dirais qu’il est amusant de noter que quelque part le journalisme a toujours été "participatif"… La citation ou les propos relevés par les journalistes lors d’une interview étant des formes de participation. Cela dit, il s’agit d’un aspect participatif cloisonné, où le participant n’a pas son mot à dire. Il est à la merci d’un traitement inadéquat ou biaisé de l’information fournie, ou encore d’une mauvaise interprétation de ses propos. L’article du Temps : L’ère du journalisme « participatif » illustre bien ce problème. J’ai eu une conversation de plus de quinze minutes avec le journaliste, au cours de laquelle j’ai rejeté le terme de "journaliste citoyen" et plutôt insisté sur les notions de collaboration et de contribution de tiers, ainsi que sur la complexification grandissante de l’environnement de l’information ; argumentant que « journaliste » n’était pas seulement un titre, mais le résultat d’une formation – et qu’en toute logique cette « complexité » redonnerait au journalisme ses lettres de noblesse. En effet, on assiste actuellement à un parasitage des canaux informationnels par une multiplication de contributions dont il est difficile d’identifier la qualité et l’objectivité. Il est donc devenu indispensable pour le lecteur de pouvoir trier le grain de l’ivraie dans ce magma informationnel (plus riche en reproduction/retraitement d’un contenu existant, qu’en création de nouveaux sujets), et c’est là le rôle du journaliste.
C’est le choix du journaliste de ne pas tenir compte des propos ci-dessus, mais il se doit néanmoins de respecter le sens du ceux-ci dans le choix de ce qu’il va refléter – de l’interview – dans son article : Oui, en effet j’ai plus ou moins dit que « Tout le monde est victime du marketing de ces nouvelles technologies, y compris vous les journalistes, y compris les lecteurs ou auditeurs. Il existe un décalage entre la maturité de ces technologies et la réactivité de leurs usagers. L’intégration culturelle et sociologique de ces outils peine à se réaliser.». Mais je l’ai dit en insistant aussi sur le fait qu’il va falloir être patient. En clair, j’ai expliqué et justifié le peu de collaboration, et la lenteur du modèle participatif, tout en l’estimant indispensable. Ce qui ne ressort pas dans l’article ; et donne l’impression, au contraire, que j’abonde dans le sens d’un constat d’échec. Pour finir, j’ai aussi dit que les journalistes se tiraient une balle dans le pied à utiliser le terme de « journaliste citoyen » pour expliquer le modèle participatif… Et ce n’est pas sans une légère pointe d’ironie que je me demande : si je suis ce « spécialiste genevois des médias » à quoi ça sert que l’on m’écoute, si on ne m’entend pas… Surtout que le journaliste m’a contacté suite à une intervention que j’ai fait lors de l’émission de la RSR, le Grand 8, durant laquelle j’avais une prise de position identique à celle ci-dessus.
En guise de conclusion, je dirais que le participatif, ne nuit pas forcément au journalisme. À l’instar de M. Décaillet, je suis pour contre « l’auditeur-dieu ou le lecteur-roi » tout comme je suis opposé à un journalisme qui reste sur son pied d’Estale. L’humain est source d’erreurs et sa capacité à se remettre en question est fondamentale. Les journalistes sont soumis à de fortes pressions, que cela soit au niveau de leur rédaction ou celui du volume d’information à traiter ; du moment qu’ils en gardent le contrôle, ces modèles participatifs sont à même de les aider dans leur travail. Pour le contributeur potentiel, ou le citoyen « lambda » le modèle participatif n’est pas une obligation à l’expression, mais la possibilité de le faire. Ce qui offre une liberté qui n’était pas présente auparavant, du moins sous cette forme (il n’y avait guère de possibilité de s’exprimer, seuls le droit de réponse et le courrier des lecteurs offraient un accès direct – et sélectif – aux médias).
stéphane koch